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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 14:10

La lente Loire passe altière et, d'île en île,
Noue et dénoue, au loin, son bleu ruban moiré ;
La plaine mollement la suit, de ville en ville,
Le long des gais coteaux de vigne et de forêt ;


Elle mire orgueilleuse aux orfrois de sa traîne
Le pacifique arroi de mille peupliers,
Et sourit doucement à tout ce beau domaine
De treilles, de moissons, de fleurs et d'espaliers…


Ce jardin fut le nôtre ; un peu de temps encor,
Ta douce main tendue en cueillera les roses ;
J'ai regardé fleurir dans sa lumière d'or
La fine majesté des plus naïves choses :

Les reines ont passé -  voici la royauté
Des Lys, que leur blason au parterre eût ravie,
Et voici  fraîche encor d'éternelle beauté
La frêle fleur éclose à l'Arbre de la Vie.

 

 Francis Vielé-Griffin

 

 

 [Ce poème a été publié par Francis Vielé-Griffin dans le recueil La Clarté de Vie par le Mercure de France en 1897.

 

Viele-Griffin--La-clarte-de-vie--W-.JPG

C'est le premier texte des "Chansons à l'ombre", pp. 9-10. On le trouve ici et là sur Internet avec des fautes mineures répétées par la pratique du copier/coller. En principe il est ici tel que l'auteur l'avait voulu. Ceux de nos lecteurs qui se poseraient des questions sur le mot orfrois (vers 5) sauront qu'il s'agit de broderies, souvent sur des vêtements ecclésiastiques, et que le mot arroi (vers 6) évoque l'apparat, si cela peut calmer leur désarroi.

Au début du livre La Clarté de Vie, on trouve cette dédicace, que l'auteur signe de ses initiales : "Au printemps de Touraine, son hôte ébloui et reconnaissant." C'est qu'il y vivait : au château de la Thomasserie à Vallières-les-Grandes (Loir et Cher), de 1914 à 1926, non loin d'Amboise. Auparavant, de 1887 à 1896, il avait habité le chàteau de Nazelles. (Ce château est aujourd'hui transformé en hôtel et on peut dormir dans la chambre du poète. Voyez l'historique et écoutez les  Soirées de Nazelles de Francis Poulenc.)

Plus tard, il suivit l'Amasse et alla vivre rue de la Concorde à Amboise.

Sur Vielé-Griffin, lisez la notice Wikipédia. On peut aussi consulter le texte de la causerie "Francis Vielé-Griffin (1863 - 1937), poète de la Loire" faite en août 2000 par Catherine Réault-Crosnier. Les citations sont nombreuses et utiles.

Le portrait par Jean Veber le montre en 1898, à l'époque de la lente Loire…]

 

Viele-Griffin--1898--Jean-Veber--W-.jpg

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 15:57

Loyre fameux, qui ta petite Source
Enfles de maintz gros fleuves, et Ruysseaux,
Et qui de loing coules tes cleres Eaux
En l’Ocean d’une assez lente Course.

Ton chef Royal hardiment bien hault pousse
Et aparoy entre tous les plus beaux,
Comme un Thaureau sur les menuz Troupeaux,
Quoy que le Pô envieux s’en courrousse.

Commande doncq’ aux gentilles Naiades
Sortir dehors leurs beaux Palaiz humides
Avecques toy, leur Fleuve Paternel,

                   Pour saluer de joyeuses Aubades
                   Celle qui t’a, et tes Filles liquides
                   Deifié de ce bruyt eternel.

 

                   Joachim du Bellay

 

 

[Le sonnet Loire fameux… provient de L'Olive (sonnet III), le premier recueil de Du Bellay (1549).

 

JDB, L'Olive, 1549, Bibliothèque de Tours

Le poète connaissait le sonnet 208 dans le Canzionere où Pétrarque chante aussi un fleuve et son amour :

Rapido fiume che d’alpestra vena
rodendo intorno, onde ’l tuo nome prendi,
notte et dí meco disïoso scendi
ov’Amor me, te sol Natura mena,
vattene innanzi: il tuo corso non frena
né stanchezza né sonno; et pria che rendi
suo dritto al mar, fiso u’ si mostri attendi
l’erba piú verde, et l’aria piú serena.
Ivi è quel nostro vivo et dolce sole,
ch’addorna e ’nfiora la tua riva manca:
forse (o che spero?) e ’l mio tardar le dole.
Basciale ’l piede, o la man bella et bianca;
dille, e ’l basciar sie ’nvece di parole:
Lo spirto è pronto, ma la carne è stanca.

Si vous voulez, en cliquant ici, vous pouvez regarder le fleuve Loire, ses affluents, son bassin.

 

JDB, Loire

Joachim du Bellay n'est pas un inconnu. Regardez toutefois la notice Wikipédia et puis surfez.

Le poème "Loire fameux…" est chanté ici sur une musique de Pierre Ortion, interprété par le groupe Thé Esse Bé le 19 septembre 2011 à Champtoceaux (49). Peut-être aimerez-vous entendre, par le même groupe, le poème de Joachim du Bellay "Le vanneur de blé au vent" ; il suffit de cliquer ici.]

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 09:33

Pour s’affirmer expert en ses travaux,
Qu’on soit poète ou marchand de fécule,
Certain précepte, et non des plus nouveaux,
Dit : faut peiner de l’aube au crépuscule,
Durant l’hiver, pendant la canicule,
Et honni soit le flemmard fanfaron
Qui devant l’âpre et dur labeur recule :
C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Le coryza gêne-t-il vos cerveaux,
Et, dégouttant de façon ridicule,
Vos nez sont-ils comme les nez des veaux ?
Faut vous moucher. – Aussitôt s’articule
A votre épaule une aile minuscule
Et, réduit à la taille d’un ciron,
En voltigeant dans les airs on circule :
C’est en mouchant qu’on devient moucheron.

Souhaitez-vous, des athlètes rivaux,
De vous montrer plus robustes qu’Hercule ?
Jalousez-vous la force des chevaux ?
Faut vous percher sur quelque monticule.
Muni soudain d’un poitrail majuscule
Et d’un fessier gros comme un potiron
On peut traîner le plus lourd véhicule.
C’est en perchant qu’on devient percheron.


Envoi

Lis donc ces vers, Prince, principicule,
Comte, marquis, duc, vidame ou baron.
En renonçant on devient renoncule.
C’est en lisant qu’on devient liseron.



Lucien Métivet

 

 

[Le site du Printemps des Poètes propose, dans sa section "Passeurs de poèmes" (où, comme on sait, "Ces textes sont libres de droits excepté pour tout usage commercial.") cette Ballade de l'invitation au travail, de Lucie ou Lucien Métivet (cette incertitude sur le genre, due au susdit Printemps, va être très vite levée…).  A l'époque où sont en gestation les bonnes résolutions, quoi de mieux que ce poème, dans son principe : l'invitation au travail n'est-elle pas la devise des bibliothécaires ? En outre, le dernier vers de l'envoi n'évoque-t-il rien à Vouvray ? et ailleurs, ô convolvulus ?

Dire que certains ne voient ici que des vers de mirliton ! Lisez un peu ce billet picard.

En lisant jusqu'au bout la fiche de cette ballade, on trouve que le texte est tiré de l'anthologie "L'humour 1900" (J'ai lu, éditions Ditis, Flammarion, 1963) et que, chez le Printemps des Poètes, il est dans l'édition 2009 pour le thème "Poèmes sur le(s) rire(s).

Essayons d'en savoir plus ; Google est là pour ça. Par le ying, la pratique du froid googling nous mènera à la chaleur du yang.

Lucien Métivet (ouais, c'est un mec, 1863-1932) a un peu écrit, mais c'était surtout un illustrateur ; on lui doit de nombreux dessins, pour Maupassant (par exemple Clair de lune en 1905), George Fourest ("tatouages" sur la Négresse blonde), Paul d'Ivoi (Les Cinq sous de Lavarède, édition de 1894, à voir sur Gallica), Édouard Drumond (pouah !), Pierre Louys (Les aventures du Roi Pausole chez Fasquelle en 1923), etc. Il a collaboré à des revues ; regardons ce dessin, généreusement mis à la disposition de tous par Wikipédia.


Metivet--Le-Rire--23-mai-1896--W-copie-1.JPG

On peut, pour terminer ce billet, rêver aux vacances avec cette affiche, proposée par Gallica, conçue par Lucien Métivet en 1907 ;

 

Metivet--Martigny-1907--Gallica.JPG

mais il convient mieux à un bibliothécaire d'évoquer un livre. Voici l'affiche réalisée en 1890 par Lucien Métivet pour des représentations de Cyrano de Bergerac.]

 

Metivet--Cyrano--1890--Gallica.JPG

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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 09:29

Noël ! Noël ! Le ciel sans bruit

Sur le chaume et la tuile épanche

En lents flocons sa neige blanche.

Les cloches sonnent dans la nuit !

Le froid fait craquer l'arbre et fait fendre les roches.

Noël !

Sonnez, cloches,

Dans le ciel !

 

Petits enfants qui sommeillez,

Que l'espoir dans un rêve agite,

Cette nuit, quelqu'un vous visite

Et garnit vos petits souliers.

Combien sont sans souliers, bottines ni galoches !

Noël !

Sonnez, cloches,

Dans le ciel !

 

Vous trouverez de beaux cadeaux,

En ouvrant demain la paupière :

Jouets brillant à la lumière,

Beaux livres, bonbons et gâteaux.

Combien sont sans jouets, sans bonbons ni brioches !

Noël !

Sonnez, cloches,

Dans le ciel !

 

Le ciel est froid, l'air ténébreux.

Petits rois et petites reines,

Enfants, si fier de vos étrennes,

N'oubliez pas les malheureux !

Enfants, ouvrez les mains ! Enfants, videz vos poches !

Noël !

Sonnez, cloches,

Dans le ciel !

 

 Marc Legrand

 

della-Robbia--Luca--b3--Cantoria--detail.jpg

 

 [Cette chanson, écrite par Marc Legrand (1865-1908) a été mise en musique par Charles Bordes et se trouve dans le recueil L'âme enfantine, 50 chansons pour les écoles (1897). On trouvera quelques informations supplémentaires sur Marc Legrand dans le blog Autour de Charles Bordes, billet Noël ! (logique, non ?).]

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 10:28

Dis papa
des histoires à raconter
y en aurait combien ?

C'est à l'infini !

Mais combien
même à peu près ?

On ne peut pas compter !
C'est à l'infini
et l'infini
n'a pas d'à peu près

Autant que des mites ?

Je ne sais pas

Autant que des rats ?

Ma foi !

Autant que quoi
à ton avis ?

Autant que des sardines
que des papillons
Autant qu'il y a de chevaux
et d'hirondelles
autant et même plus !

Et même plus ça ferait combien ?

Et même plus ça ferait des histoires
à n'en plus finir

Ah ! C'est bien !
Dis papa
tu m'en diras plein ?

 

 

                            Philippe de Boissy

 

 

 

[Ce poème est paru en 1994 aux Éditions Møtus dans le recueil Où dorment les baleines?

 

Où dorment les baleines, Motus

L'auteur est un des "Passeurs de poèmes" choisis par le Printemps des Poètes pour le thème "Enfances", en 2012.

Regardez le site perso de l'auteur, vous y apprendrez qu'il a "fait de brillantes études jusqu'à l'âge de 5 ans".]

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 13:59

 

Ta bouche tout près de l’oreiller
Loin et lointaine
À deux doigts de la mienne
Le rêve s’amuse
Et nous sépare
Avec les pas minutieux de l’oubli
Tes lèvres bougent à peine
J’ai le couteau qui brille
Propre à quelques millimètres
De ta joue sèche
Comme du papier
Prêt pour tuer
La perspective du pardon
Je voudrais l’enfoncer
Dans la chair de ta bouche
En biais dans la plénitude
Lente dans sa jouissance
Crève crève
Je susurre et ton bonheur endormi
Me rends jalouse
De la beauté de ton horizon vertical
Dans la perspective de ta langue.



Zoé Valdés

 

Zoe-valdes--Le-Magazine.Info.jpg

 

 

[Texte qui date de 2008, publié par le Printemps des Poètes dans la rubrique "Passeurs de poèmes", sur le thème "Éloge de l'autre" ; on lira la page qui lui est consacrée.

On se souviendra que le Printemps des Poètes est en danger, à cause de la subvention qui lui est refusée par le Ministère de l'Éducation Nationale et on n'oubliera pas de signer la pétition de soutien en cliquant ici.

Sur Zoé Valdés, on regardera d'abord la fiche de Wikipédia en français, et, si vous connaissez cette langue, celle qui est en espagnol.

Dans la même langue, on pourra aller sur le site perso de Zoé Valdés. Ses œuvres y sont brièvement présentées, mais on appréciera les images.

On en trouvera une analyse en français sur la page qui lui est consacrée par Lecture/Écriture et qui commence par Une Habanera à Paris.

Dans l'entretien donné (en français) au magazine.info que vous pouvez lire ici, elle dit son opposition au régime castriste.

Enfin, dans cette vidéo, la romancière parle de l'exil décrit dans Le Paradis du Néant.]

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 08:35

 

L'automne est passé, l'hiver est venu,
L'automne a passé qui vers l'inconnu
Emporte bien loin nos mélancolies.

Doux ciel de l'hiver, ô pâle ciel bleu,
Que je t'aime ! et comme auprès d'un bon feu
L'aile de nos coeurs frileux se replie !

S'il pleut sur la mer et s'il grêle, eh bien,
Nous nous enfermons, nous n'en savons rien,
Et nous n'osons pas regarder les voiles.

Que les verts sentiers, tout blancs aujourd'hui
Nous paraissent gais, et comme la nuit,
Nous nous souvenons des blondes étoiles !

Nous nous rapprochons, nous nous aimons mieux…
La lueur du feu jette dans les yeux
Un éclair de pourpre et d'or qui flamboie,

Et si, le matin, le ciel se fait clair,
Dans son manteau blanc frissonne l'hiver
Tout illuminé d'un rayon de joie !
 

 

 

Maurice Bouchor

 

 

 

Ce poème, écrit par Maurice Bouchor, est paru dans le recueil Les Poëmes de l’Amour et de la Mer  en 1876. L'auteur avait vingt-et-un ans. Le voici alors, dessiné par Georges Rochegrosse (détail ; source, Gallica).


Bouchor--portrait.JPG

Plusieurs de ses poèmes ont servi à des compositeurs pour écrire des mélodies, à la fin du 19e siècle et au début du 20e. Quatre de ses textes, dont celui-ci, ont été utilisés par Charles Bordes. Dans ce blog, voyez ici ou .

Si votre curiosité vous y pousse, reportez-vous au blog "Autour de Charles Bordes" vous y verrez un billet, à la date du 21 août 2011, écrit par celui qui trace cette phrase. Il contient une présentation plus complète de Maurice Bouchor. Lisez aussi la page qui lui est consacrée sur le site de Gilles Picq.

On trouve ici et là sur Internet des remarques sur Maurice Bouchor. On lui en veut d'avoir écrit plusieurs livres utilisés dans les écoles. Bien des gens ont suivi une pente qui les a menés vers une certaine condescendance envers Maurice Bouchor.

Cela dit, le surf a ses vertus. Que votre souris vous mène au blog "le bibliomane moderne" et allez au billet du 19 février 2009.  Vous découvrirez cette Ballade du livre, publiée par Bouchor le 1er février 1890 (il a 35 ans). Le bibliothécaire ne peut résister au plaisir de vous en citer une strophe :

Jeune homme ignorant de la vie,

Mais qui te sens déjà hanté

Par l'amour, n'as-tu pas envie

De savoir comme il fut chanté ?

Avant l'heure d'être tenté

Goûte l'illusion de vivre

Dans notre doux monde enchanté,

Le meilleur ami, c'est le livre.

 

On peut voir dans le poème Hiver une promesse érotique. On sent la chaleur du feu jouer sur la peau, on a envie de se rouler dans la fourrure.

 

Nous nous rapprochons, nous nous aimons mieux…
La lueur du feu jette dans les yeux
Un éclair de pourpre et d'or qui flamboie

 

C'est bel et bon, très bon même. Cependant, voyez cette secrète souffrance : le monde est là, avec ses incertitudes :

 

             S'il pleut sur la mer et s'il grêle, eh bien,
             Nous nous enfermons, nous n'en savons rien,
             Et nous n'osons pas regarder les voiles.

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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 10:05

 

pluie--0132--BC.JPG

 

Sous le feuillage où bat la pluie
La poésie écoute le paysage.

Tournesol ou souliers blessés
Elle a pris le chemin du soleil
Et porte un nuage rouge accroché à sa voix.

L’infini à portée de main
N’est jamais monotone.

 

 

Jean-Michel Maulpoix

 pluie--0145--BC.JPG

 

 

Le poème de Jean-Michel Maulpoix est paru dans la section "Passeurs de poèmes" du site du Printemps des Poètes pour son thème 2011, "d'Infinis paysages". Regardez la page consacrée à l'auteur dans la Poéthèque du Printemps des Poètes, la fiche de Wikipédia, brève mais précise, et son site perso, très riche, ouverture sur l'univers de la poésie. 

 

pluie--0146--BC.JPG

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 08:22

Constable--1--Hampstead-.jpg

L’Étranger

 

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

- Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

- Tes amis ?

- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.

- Ta patrie ?

- J’ignore sous quelle latitude elle est située.

- La beauté ?

- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

- L’or ?

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

- Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

- J’aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !

 

 

Charles Baudelaire


 

Constable--2.jpg

 

Ce poème en prose est paru en 1862 parmi quatorze petits poèmes en prose, avec une lettre à Arsène Houssaye, où on peut lire :

"Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?"

L'Étranger est le poème liminaire.

Une publication posthume, Petits poèmes en prose, I (1869), rassemble ces textes. Le sous-titre c'est Le spleen de Paris, par lequel le recueil est souvent désigné.

Si cela vous paraît utile, lisez ce commentaire pour le bac français.

Mais lisez surtout l'essai de Jean-Michel Maulpoix, "J'aime les nuages…" extrait de La poésie comme l'amour, Mercure de France, 1998.

Enfin, vous écouterez L'Étranger enregistré par Léo Ferré en juin 1967. Il vous faudra supporter une faute d'orthographe dans la transcription du texte.


 

Constable--3.jpg--W.jpg

 

[Les illustrations sont des études par Constable, faites vers 1820.]

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 10:44

Parc-Mirabeau--Tours--3858.JPG

The Consent

Late in November, on a single night
Not even near to freezing, the ginkgo trees
That stand along the walk drop all their leaves
In one consent, and neither to rain nor to wind
But as though to time alone: the golden and green
Leaves litter the lawn today, that yesterday
Had spread aloft their fluttering fans of light.

What signal from the stars? What senses took it in?
What in those wooden motives so decided
To strike their leaves, to down their leaves,
Rebellion or surrender? and if this
Can happen thus, what race shall be exempt?
What use to learn the lessons taught by time,
If a star at any time may tell us: Now. 

 

Howard Nemerov

 

 

Accord

 

A la fin Novembre, en une seule nuit

Pas même en-dessous de zéro, les gingkos

De l'avenue perdent toutes leurs feuilles

D'un seul accord, et pas à cause de la pluie ou du vent,

Mais comme si le moment était venu : les feuilles

Dorées et vertes jonchent le gazon aujourd'hui, alors qu'hier

Elles déployaient bien haut leurs éventails palpitants dans la lumière.

 

Quel signal est venu des étoiles ? Comment a-t-il été capté ?

De ces lois de l'arbre, laquelle a ainsi décidé

De frapper leurs feuilles, de les faire tomber,

La révolte ou la soumission ? Et si cela

Peut se produire ainsi, qui peut y échapper ?

A quoi bon apprendre les leçons que le temps nous enseigne,

Si une étoile, n'importe quand, peut nous dire : C'est l'heure.

 

 

Traduction Bernard Cassaigne

 

Parc-Mirabeau--Tours--7959.JPG

 

 

Le poète américain Howard Nemerov (1920-1991) a publié ce texte dans Western Approaches en 1975. Vous trouverez une information complète sur l'auteur dans l'article de Wikipedia. C'est en anglais. Il n'y a rien en français. Voyez plus bas, la note en anglais pour les lecteurs familiers avec cette langue.

Nemerov a publié de nombreux livres. En 1978 il a reçu le National Book Award et le Prix Pulitzer pour son recueil Collected Poems (1977). Il était Poète Lauréat des Etats Unis de 1988 à 1990 (poste créé par le Congrès en 1985). C'est un poète pour qui rime et prosodie ont leur importance et qui exprime les thèmes de la vie quotidienne avec clarté et sagacité. La chute soudaine des feuilles du gingko lui a inspiré le poème The Consent.

En ce qui concerne l'arbre, voir sur Internet The gingko pages. C'est très complet : vous trouverez tout sur le gingko. Il y a aussi un blog The gingko pages Forum. Les deux sites sont tenus par Cor Kwant, à Amsterdam, aux Pays-Bas, où elle est professeur de lycée. Le gingko est présenté sous l'angle scientifique et aussi humain. L'aspect littéraire n'est pas négligé : c'est grâce à Cor Kwant que j'ai découvert Nemerov. On peut lire The Gingko pages en français (contribution de Jean-Luc Destombes), mais je recommande la version en langue anglaise.

Ce n'est pas la première fois que le gingko a sa place dans le blog Lire à Vouvray. Voyez le billet du 7 novembre 2010 (deux ans, déjà !) qui vous conduira au célèbre poème de Goethe et au poème de Peter Härtling (An den Gingko vor der Tür) avec la traduction en français de Claude Perthuis.

 

[A few words in English.

The poem The Consent by Howard Nemerov was first published in The Western Approaches  (©1975 by The University of Chicago. All rights reserved.) and the University of Chicago Press has included it in Nemerov's Collected Poems. It is in this blog thanks to the publisher's agreement and the Bibliothèque Municipale de Vouvray (BMV) wishes to express its gratitude.

A click here will show you what the Press can offer you.

You should read the article on Nemerov in Wikipedia (English version); it is a full presentation and contains many useful links. The biographical article in The Poetry Foundation stresses the tensions and duality in Nemerov's literary production. The main critical studies of Nemerov's works, poetry and prose, are reviewed. There are links to different poems by Nemerov (30th Anniversary Report of the Class of '41, On Getting out of Vietnam, Knowledge, To D—, Dead by Her Own Hand, Epitaph) and a very complete bibliography.

If you are interested in the gingko tree itself, in both its botanical and human aspects, The gingko pages,  made in the Netherlands, will tell you everything there is to know; Cor Kwant, who maintains the site, will share her fascination with you.

Of course, the famous poem by Goethe, (Dieses Baums Blatt…), with various translations, can be found there.]

 

Parc-Mirabeau--Tours--7960.JPG

 

 

[Photos prises en novembre 2010 et 2011 au Parc Mirabeau à Tours. © BC]

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