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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 17:08

Vien mauvaise,

Mon esmoy,

Bine moy,

A mon aise ;

Qu'il te plaise

Si je voy

Que ma foy

Ne t'appaise ;

Qu'en ce lieu

Un adieu

Je te die :

Car je veux,

Amoureux,

Une amie.

 

 

 

Marc Papillon de Lasphrise est né en 1555 à Nazelles (Indre-et-Loire), où il possédait deux fiefs : Vauberault (nom encore connu de nos jours : la vallée de Vaubrault aboutit à la D79, entre la Briqueterie et la Niqueterie… On peut s'y arrêter, la nuit, et regarder les étoiles) et Laphrise. Après de bonnes études, il devient soldat et porte le titre de Capitaine. C'est plus qu'un grade. Catholique, il a participé aux guerres qui ont agité la France au 16e siècle, mais pas à la St Barthélémy.

A partir de 1589 il se retire à Lasphrise, ce qui lui évite d'avoir à choisir entre la Ligue et Henri de Navarre. Il meurt probablement en 1599. Il avait 44 ans. Il a écrit toute sa (courte) vie, notamment de la poésie érotique.

En 1597 sont publiées Les Premières œuvres poétiques du Capitaine Lasphrise, contenant Les Amours de Théophile et L'Amour de Noémie. Une deuxième édition paraît en 1599, en même temps que les Diverses Poésies.

Papillon--Thomas-de-Leu--b.JPGLe portrait du Capitaine, dans son armure, par Thomas de Leu, orne l'édition de 1599 chez Jean Gesselin, libraire à Paris (source : Gallica). Puis ce fut un oubli progressif, avec au 19e siècle un rejet venant de critiques prudes, par exemple Blanchemain qui écrit en 1877 : "Ces descriptions voluptueuses, ces cris de passion dévorante sont le triomphe de Lasphrise ; par malheur, il voile trop peu ses tableaux pour qu'il soit possible de les exposer à tous les yeux." Comme si Ronsard lui-même n'avait pas écrit ses Folastries… D'ailleurs tous les poètes de la Pléïade ont ignoré l'autocensure hypocrite. Le 20e siècle ne l'a pas mieux servi, jusqu'à l'édition critique de ses œuvres chez Droz (en 1979 et en 1988) et surtout le choix qu'en a fait Jacques Roubaud pour P.O.L en 1990, dans Soleil du soleil. Le sonnet français de Marot à Malherbe, une anthologie. La même année, Gérard Delaisement publiait chez C.L.D. Papillon de Lasphrise, poète de Touraine. (Vous trouverez ce livre à la BMV.) Delaisement montre que la poésie de Papillon nous permet de voir le personnage, érudit, amoureux, courageux, traversant une époque tourmentée. Les documents biographiques sont peu nombreux, mais c'est à travers le langage que se dessine une personnalité vibrante.

Ses poèmes donnent souvent lieu à des expériences linguistiques audacieuses, comme celui que nous citons, en vers de trois syllabes, ou ce  Sonnet en langue inconnue, si mystérieux, d'une troublante intensité amoureuse :

 

Cerdis zerom deronty toulpinye,
Purois harlins linor orifieux,
Tictic falo mien estolieux,
Eulfiditons lafar relonglotye.

Gerefeluz tourdom redassinye ;
Ervidion tecar doludrieux,
Gesdoliou nerset bacincieux,
Arlas destol osart lurafirie.

Tast derurly tast qu'ent derontrian,
Tast deportulast fal min adian,
Tast tast causus renula dulpissoitre,

Ladimirail reledra survioux,
C'est mon secret ma Mignonne aux yeux doux,
Qu'autre que toy ne sauroit reconnoistre.
 

 

Papillon de Lasphrise n'ayant jamais fait partie du canon scolaire, il lui a manqué une large popularité, mais il est aujourd'hui reconnu comme un des plus grands.

cul--Lasphryse-.JPG

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